Un peu d’histoire…..
À la confluence de la Vilaine et de l’Oust, le moine Conwoïon s’installe dans un modeste ermitage fait de planches et de branches qui dès 832 deviendra un monastère.
Nominoë, alors gouverneur de Bretagne, soutient cette fondation pour renforcer son pouvoir. Très vite une population commence à s’installer autour des bâtiments conventuels et le territoire monastique s’agrandit pour donner naissance à une paroisse.
Ce n’est qu’au moyen âge que Redon va véritablement bénéficier du commerce maritime grâce à sa situation sur la Vilaine. En langue celtique la Vilaine se prononçait « Visnonia » ce qui signifie » la Tumultueuse « .
L’histoire fluvio-maritime du pays de Redon
Nous devons le terme » fluvio-maritime » au fait que la navigation sur la Vilaine a toujours été maritime en aval de l’abbaye Saint Sauveur de Redon et fluviale en amont. Ceci définit la situation de la cité comme un port de fond d’estuaire.
L’activité fluvio-maritime
L’activité fluviale grandit. Les importations concernent le froment, les vins du Pays Nantais d’Anjou ou du Bordelais, les eaux de vie,le sel, le poisson salé, la résine, le charbon de terre, le fer d’Espagne, les matériaux de construction tels que plâtre et tuffeau, ainsi que le bois bien sûr.
Jusqu’au Ve siècle le procédé utilisé pour récupérer le sel ne permet pas une production de masse. Le sable, imbibé de chlorure de sodium, est lavé puis mis à chauffer dans des fours à augets*. La forte consommation de bois rend alors coûteuse cette méthode. Aussi, pour réduire leur consommation, les habitants du pays de Redon se mettent à commercer avec les paludiers du Croisic et du pays de Guérande afin de rapporter le sel destiné à la conservation de leurs aliments.
* Les augets sont des petits récipients de terre, colorée, en forme de prisme qui sont destinés à recevoir la saumure au-dessus d’un foyer
En 859, les moines de l’abbaye de Redon décident de construire une pêcherie en mer près de Bronaril (Guérande) où sont capturés des marsouins qui fournissent l’huile indispensable aux luminaires de l’abbatiale, et des seiches pour leur encre jugée de bonne qualité et de longue conservation, permettant l’écriture des chartes et saintes enluminures. Ainsi dès le IXe siècle sont mis en place les « tonlieux », taxes perçues au passage des bateaux sur les fleuves praticables, qui témoignent de la croissance du commerce maritime s’exerçant sur la Vilaine.
À partir du XVIe siècle, la Vilaine est pour partie canalisée, favorisant ainsi le développement portuaire. En effet, les navires de mer peuvent alors remonter jusqu’à Redon, devenu avant-port de Rennes. Accostés au port de Vilaine, soumis alors à la marée, les navires peuvent décharger leurs cargaisons à terre ou bien transborder les marchandises sur les barges et bateaux fluviaux qui remontent ensuite la rivière jusqu’à Rennes. Datant des XVIIe et XVIIIe siècles, les demeures d’armateurs ou de négociants sur le quai Duguay-Trouin témoignent de cette activité maritime florissante.
Les greniers à sel, la tour Richelieu (XVIIe ), le château du Mail (XVIIe), l’hôtel Carmoy (XVIIe ), ainsi que le monastère des Calvairiennes (XVIIe ), et les maisons à pans de bois (XVIe , XVIIe et XVIIIe siècles) complètent le riche patrimoine architectural de la cité.
Ce commerce avec son échange de richesses, attise les convoitises au point d’inciter les Vikings à remonter la Vilaine jusqu’à Redon en 850 – flottille de 103 navires – et même jusqu’à Rennes en 920. Les drakkars, bateaux à fond plat leur permettent aisément de remonter les fonds d’estuaire et autres fleuves – en 843 ils remontent déjà la Loire jusqu’à Nantes – sans risquer l’envasement à cause d’un trop grand tirant d’eau
Le port de commerce
L’importance de la ville de Redon pour Rennes est telle que les Redonnais obtiennent du roi François 1er des lettres patentes (1er août 1539) les autorisant à rendre navigable la Vilaine entre Rennes et Messac.
De 1762 à 1776, afin de lutter contre le phénomène d’envasement du port, de grands travaux sont entrepris, entre autre le curage du port et la construction du Quai Duguay Drouin face à la digue Saint Nicolas.
Durant l’année1780, l’amirauté de Vannes note que 788 navires ont commercé à Redon. En général au XVIIIe siècle les navires jaugent entre 100 et 120 tonneaux** en moyenne.
** 1 tonneau = 42pieds cubes selon l’ordonnance de 1681 soit 1,44 m3 ou une tonne de fret… Soit pour 1 bateau de 150 tonneaux, 30 barges en transit.
Une barque ou barge à fond plat peut transporter jusqu’à 5 tonneaux de marchandises. Ce qui à l’époque représente une intense circulation fluvio-maritime. Le commerce de toiles et textiles prospère, ainsi que celui des ardoises et de la résine servant aux vernis et peintures des différents chantiers de construction navale.
Une fois les travaux d’aménagement de la Vilaine achevés entre Redon, Messac et Rennes, Redon devient véritablement le port de Rennes. Et c’est la raison invoquée par les députés rennais à l’Assemblée Constituante pour revendiquer et obtenir en 1789 le rattachement de Redon au département d’Ille-et-Vilaine, alors que son appartenance au diocèse de Vannes sous l’ancien Régime destinait initialement la ville au département du Morbihan.
De 1815 à 1821, 25 bricks destinés à la pêche hauturière – pêche à la morue sur les côtes de Terre-Neuve – partent pour des campagnes de mer de 5 mois environ. Le retour à Redon ne s’effectue qu’après le déchargement à Nantes. Parmi ces navires on peut citer en autres « l’Entreprenant », « l’Éole », « le Pêcheur », « le Triton », « le Spéculateur » ou « l’Amédée »…
Cependant, quai Duguay Drouin, les navires se retrouvent en situation d’échouage sur un côté à marée basse. Situation peu avantageuse pour le chargement ou le déchargement des marchandises.

Échouage des voiliers de cabotage sur la Vilaine à marée basse
En conséquence, et en lien avec la construction du canal de Nantes à Brest, le creusement du bassin à flot débute en 1836. Pendant de nombreuses décennies, celui-ci devient le cœur même de la vie redonnaise par son activité portuaire et par le développement des industries du XIXe siècle.

Le bassin à flot au XIXe siècle
C’est à Redon que le canal de Nantes à Brest croise la liaison Rance-Vilaine reliant la Manche à l’Océan. Il se termine au milieu du XIXe siècle faisant de Redon le carrefour des voies navigables de l’Ouest. L’inauguration du bassin à flot a lieu le 15 août 1855. Le trafic portuaire ne cesse alors d’augmenter pour atteindre les 70.000 tonnes de fret en 1882.
Les chantiers de construction navale
L’implantation des principaux chantiers de construction s’effectue sur la rive gauche de la Vilaine. On en dénombre jusqu’à 10, appartenant à plusieurs armateurs. En 1712 cependant l’un d’eux s’implante sur la rive droite de la Vilaine près de la Place nommée « Port au Vin ». Malgré son activité, cette implantation ne cesse d’alimenter une polémique locale, car pour la construction navale de nombreux bois sont entreposés sur les quais, gênant considérablement la libre circulation des marchandises. Après l’incendie de Dinan en 1781, les Redonnais craignent tout particulièrement que ce bois en grande quantité ne crée un risque d’incendie pouvant se propager au port et à la ville.
En 1781 Redon est, pour les navires marchands, un des chantiers de construction les plus importants de la province. Le « rapport Chardon » signale que les ports de Lorient et de Redon sont spécialisés dans les gros tonnages, tandis que ceux de Vannes et d’Auray ne livrent que des navires de cabotage. On peut ainsi côtoyer de nombreux métiers rattachés à la construction navale traditionnelle comme les charpentiers de marine, voiliers, cordiers, calfateurs, perceurs, poulieurs, etc.
De 1756 à 1789 Redon connaît une période de prospérité du commerce maritime sans précédent et la construction navale atteint son apogée. La réputation des chantiers redonnais est si bien établie qu’un entrepreneur général de la rade de Cherbourg commande 12 chasse-marées de 90 tonneaux.
En mars 1831, le chômage sévit : Le conseil municipal décide de lancer une souscription afin de construire trois bateaux et secourir la « classe ouvrière ». L’hiver suivant, comme la misère augmente une opération identique est financée par un emprunt de 6000 F souscrit auprès d’un particulier afin de donner du travail aux charpentiers de marine et autres ouvriers « pour le maintien de l’ordre public et dans l’intérêt de l’humanité ».
En 1833 sortent des chantiers de Redon des navires de 400 à 450 tonneaux, alors que, sur l’ensemble de la Bretagne, la moyenne se situe autour de 300 tonneaux. En 1845 sont construits à Redon quatre navires jaugeant 280 tonneaux chacun. Dans le premier semestre de 1846, trois navires de 245 tonneaux sont mis à l’eau et six autres sont encore en construction, dont un trois mâts de 500 tonneaux.

Vue de la Vilaine vers l’aval au XIXe siècle à droite le quai Duguay-Trouin – à gauche le chantier naval Mabon
À partir de 1882, les problèmes récurrents d’envasement de la Vilaine, parallèlement à l’accroissement du tonnage et du tirant d’eau des bateaux, contribuent à la diminution des activités portuaires. Le développement du trafic ferroviaire et l’apparition des bateaux à vapeur accélèrent le déclin du commerce à la voile.
Le barrage d’Arzal
Le phénomène de remontée des eaux maritimes – le mascaret – se faisant ressentir jusqu’à Redon, ne facilite pas l’exploitation d’une partie des marais en zones cultivables. Par ailleurs le Pays de Redon connaît régulièrement de fortes inondations. Les principales sont celle de 1772 – la première relatée dans les registres municipaux – puis celles de 1936, 1956, 1995 et 2001. Devant l’inondation de 1936, une prise de conscience collective s’opère et la nécessité de réguler la situation et d’assainir les marais devient urgente. Le projet d’un barrage est évoqué, les sites de Foleux, la Roche-Bernard ou Arzal sont envisagés.
Le 11 octobre 1972 a lieu l’inauguration du barrage d’Arzal après 5 années de travaux. Malgré des avantages probants, sa mise en service présente des inconvénients notoires : réserve d’eau douce, salinité, pisciculture, mytiliculture, assainissement des marais, envasement de l’estuaire… L’une des conséquences regrettables réside dans le manque de lisibilité de l’accueil portuaire en aval du barrage, bien qu’en amont, on peut noter la présence des ports d’Arzal, La Roche-Bernard, Foleux et Redon dont la qualité des infrastructures portuaires n’est pas toujours reconnue à sa juste valeur.
Références :
(1) Le port de Redon – Pierre Marchal – Édition « Les Amis du Musée de la Batellerie de l’Ouest »
(2) Histoire,témoignages et patrimoine – Marais de Redon et de Vilaine (Tome 2)
(3) En passant par la Vilaine – De Redon à Rennes en 1543 – Edition Apogée.
(4) Redon à travers les siècles – Félix Oyallon.
(5) Redon –Promenade dans le temps (tome 1 à 4) – Pierre Marchal.